Derrière l’image d’un mouvement religieux discret et rigoriste, les Témoins de Jéhovah forment une organisation planétaire structurée, centralisée et… extrêmement prospère. Forte de plus de 8 millions d’adeptes répartis sur tous les continents, l’organisation applique rigoureusement les mêmes règles de vie, quel que soit le pays ou la culture. Et tout cela est orchestré depuis un siège mondial situé aux États-Unis.
À la tête de cette structure figure le « Collège central », un groupe exclusivement masculin, composé de 8 à 12 membres résidant à New York. Présentés comme étant guidés directement par Dieu via l’Esprit Saint, ces hommes décident des doctrines et de l’organisation du culte pour tous les Témoins de Jéhovah à travers le monde.
Leur autorité est relayée par des filiales nationales appelées « Bethel », terme hébreu signifiant « maison de Dieu ». En France, le Bethel est implanté à Louviers, en Normandie. Ce centre coordonne l’administration des congrégations locales, lesquelles se réunissent plusieurs fois par semaine dans des lieux appelés « Salles du Royaume ».
Chaque congrégation est dirigée par un collège d’anciens, tous des hommes. Les femmes, elles, sont exclues des fonctions d’enseignement et reléguées à des tâches subalternes comme le nettoyage ou la participation à des campagnes de prédication. La construction des lieux de culte repose aussi sur le travail bénévole des fidèles.
Les Salles du Royaume, au nombre d’environ 130 000 dans le monde, sont toutes la propriété de l’organisation. Ce modèle repose sur un système bien rodé : les adeptes financent, bâtissent, puis cèdent automatiquement les biens à la Watch Tower, l’entité juridique des Témoins de Jéhovah. Résultat : un empire immobilier estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Un empire bâti sur l’immobilier et les dons
Le siège historique new-yorkais, construit dans les années 1930, a été vendu en 2015 pour plus d’un milliard de dollars à Jared Kushner, le gendre de Donald Trump. Avec cet argent, l’organisation s’est offert un nouveau siège ultramoderne à Warwick, dans l’État de New York, à seulement 70 km de Manhattan.
Au-delà de la gestion immobilière, l’organisation tire ses ressources des dons réguliers de ses membres. Dans chaque congrégation, une boîte à contributions invite les fidèles à verser de l’argent chaque mois. À l’échelle de la France, cela représenterait plusieurs millions d’euros par an. Par ailleurs, les fidèles achètent eux-mêmes les tracts et brochures de prosélytisme, imprimés par la Watch Tower, avant de les distribuer dans la rue ou en porte-à-porte.
L’appartenance aux Témoins de Jéhovah exige un engagement personnel intense : réunions bibliques, prédication, travaux bénévoles… Les adeptes consacreraient en moyenne 60 heures par semaine au mouvement, en plus de leur emploi principal. Une charge qui engendre fatigue et isolement, et qui dissuade parfois les études supérieures, jugées inutiles pour « le Royaume de Dieu ».
Le point culminant de cet engagement intervient lors du baptême, souvent célébré dès l’adolescence ou peu après une conversion. Cette cérémonie publique, organisée lors d’une grande assemblée annuelle, engage l’adepte à respecter à vie les doctrines du mouvement. Elle marque une forme de rupture avec le monde extérieur.
Pour survivre, le système repose sur le recrutement permanent de nouveaux fidèles. L’adepte est à la fois un croyant, un militant et une ressource économique. L’organisation veille donc à entretenir cette dynamique de croissance, tout en verrouillant son fonctionnement interne.