Après plusieurs mois de tensions, les autorités nigérianes multiplient les gestes d’ouverture à l’égard du Niger. Le président Bola Ahmed Tinubu a dépêché son ministre des Affaires étrangères, Yusuf Maitama Tuggar, à Niamey pour remettre un message spécial au général Abdourahamane Tiani, chef de la junte au pouvoir.
L’initiative marque une volonté de relancer la coopération bilatérale, en dépit du retrait officiel du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) en janvier 2025.
Depuis le coup d’État militaire du 26 juillet 2023, les relations entre Abuja et Niamey se sont profondément dégradées. Le renversement du président Mohamed Bazoum avait été condamné par la Cédéao, dont le Nigeria assure la présidence tournante. L’organisation avait alors imposé une série de sanctions économiques et diplomatiques contre le régime militaire nigérien. Malgré cette rupture, les canaux de communication entre les deux pays n’ont jamais été totalement fermés, notamment sur les questions d’intérêt commun.
La visite du chef de la diplomatie nigériane à Niamey intervient dans un contexte de recomposition des alliances régionales et de montée des défis sécuritaires partagés. Selon des sources diplomatiques, les échanges porteront en priorité sur la sécurité transfrontalière, avec une attention particulière accordée à la lutte contre les groupes armés opérant dans les zones frontalières.
Depuis le retrait du Niger de la Force multinationale mixte dans le bassin du Lac Tchad, Abuja souhaite redéfinir les termes de la coopération sécuritaire en misant sur des partenariats bilatéraux.
L’aspect économique figure également au cœur de cette tentative de rapprochement. Le Nigeria envisage une réouverture progressive des marchés transfrontaliers, vitaux pour les populations frontalières. Les régions nigériennes de Maradi et Zinder, tout comme les États nigérians du nord, dépendent en grande partie de ces échanges pour leur approvisionnement en produits de première nécessité.
Le projet de gazoduc Nigeria–Niger–Algérie, longtemps suspendu, pourrait également être remis sur la table. Cette infrastructure stratégique, destinée à exporter le gaz nigérian vers l’Europe, pourrait bénéficier d’un regain d’intérêt dans un contexte de diversification énergétique mondiale. Par ailleurs, la récente crise de carburant au Niger, accentuée par les sanctions économiques et les tensions régionales, confère à la question énergétique une dimension encore plus sensible.
Sur le plan des infrastructures, le Nigeria entend réaffirmer son engagement dans le projet ferroviaire Maradi–Kano, dont la mise en service est prévue pour 2026. Ce chantier, estimé à près de deux milliards de dollars, s’inscrit dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et vise à renforcer l’intégration régionale par la facilitation des échanges commerciaux.
Si aucun calendrier officiel n’a encore été communiqué à l’issue de la visite, les deux parties semblent déterminées à emprunter la voie du dialogue, dans un contexte sous-régional marqué par de nombreuses incertitudes. Reste à savoir si cette initiative ouvrira la voie à une normalisation durable des relations entre Abuja et Niamey, ou s’il ne s’agira que d’une trêve diplomatique passagère.