Alors que les bombardements russes sur Kiev ont une nouvelle fois endeuillé l’Ukraine, faisant au moins une douzaine de morts, les déclarations de Sergueï Lavrov à la chaîne américaine CBS ont pris tout le monde de court. « Nous sommes prêts à conclure un accord », a affirmé le chef de la diplomatie russe, ajoutant néanmoins que certains détails restaient à peaufiner. Une annonce inattendue, tant le contexte militaire actuel semble contredire toute volonté de désescalade.
Du côté de Moscou, aucun document officiel n’a encore été publié, et les contours d’un éventuel accord restent flous. Selon des sources diplomatiques relayées dans la presse, les principaux termes porteraient sur le maintien de la Crimée dans le giron russe, la reconnaissance des territoires occupés dans le Donbass comme russes, le gel de la ligne de front, ainsi que l’engagement que l’Ukraine ne rejoindra jamais l’OTAN. En somme, un accord imposé, loin des aspirations ukrainiennes.
Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a déjà répondu par la négative à cette perspective. Pour Kiev, céder des territoires en échange d’une paix imposée reste inacceptable, d’autant que la confiance est rompue depuis longtemps. La Russie a violé à maintes reprises des engagements antérieurs, notamment le mémorandum de Budapest de 1994, par lequel elle garantissait l’intégrité territoriale de l’Ukraine en échange de l’abandon de son arsenal nucléaire.
La situation militaire n’est pourtant pas aussi désespérée qu’elle pourrait le paraître. L’Ukraine, malgré la fatigue et l’essoufflement de la population, a renforcé sa production d’armement, notamment de drones, avec un objectif de quatre millions d’unités en 2024. Les lignes de front restent stables depuis plusieurs mois, preuve d’une capacité de résistance certaine, même si la perspective d’une contre-offensive majeure s’éloigne.
Trump met la pression
En parallèle, le rôle des États-Unis et de Donald Trump dans ces discussions reste énigmatique. L’ancien président américain, potentiel candidat en 2024, assure mettre « une forte pression » sur Moscou, sans en préciser la nature. Son approche, jugée ambiguë par de nombreux analystes, alimente la méfiance de Kiev. Trump semble prêt à soutenir un plan de paix qui irait dans le sens des exigences russes, au nom de la stabilité et du pragmatisme économique. Une position qui, pour beaucoup, reviendrait à signer un chèque en blanc à Vladimir Poutine.
Les garanties de sécurité sont au cœur des discussions. Or, aucune force internationale crédible ne semble en mesure, à ce stade, d’assurer durablement la sécurité de l’Ukraine. Et Poutine, qui a démontré à plusieurs reprises qu’il n’hésitait pas à contourner ou violer les traités, n’inspire guère confiance.
Si le maire de Kiev, Vitali Klitschko, a récemment évoqué la possibilité de céder des territoires pour garantir une paix temporaire, cette déclaration reflète davantage l’usure du conflit que la volonté politique réelle du pays. Car céder aujourd’hui, c’est ouvrir la voie à d’autres revendications demain.
La Russie, engagée dans une logique d’économie de guerre, ne montre aucun signe d’essoufflement stratégique. Et si les sanctions pèsent, elles n’ont pas, pour l’instant, modifié la ligne dure du Kremlin. Dans ce contexte, l’« offre » de paix russe ressemble davantage à une manœuvre diplomatique qu’à une réelle volonté de compromis. Et la paix, si elle doit venir, ne pourra reposer durablement sur un déséquilibre aussi manifeste.